2 DECOUVERTE DE LA FONCTION DU GENE

Une relation assez précise entre les unités d'information et la fonction enzymatique a été établie par Beadle et Tatum vers 1941 à l'aide d'un champignon ascomycète : Neurospora crassa dont le cycle biologique est représenté ci-dessous.
 

Cet organisme, bien que méiotique, est supposé plus simple que le pois et la drosophile : la phase de croissance est haploïde ce qui évite les complications liées aux rapports allèliques, une phase de reproduction asexuée, par conidies (bourgeonnements cellulaires uni ou oligo-nucléés) permet une mutagénèse en masse (par irradiation par exemple) et l'obtention rapide de nombreux variants
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Ces champignons se cultivent aisément sur un milieu défini très simple composé de sucre, de quelques sels et acides inorganiques, d'un composé ammoniacal source d'azote et d'une vitamine : la biotine. Les souches sauvages capables de croître sur ce milieu minimal sont dites prototrophes, elles sont capables de réaliser la synthèse de toutes les autres molécules nécessaires à leur métabolisme (précurseurs des glucides, lipides, protéines, acides nucléiques et macromolécules elles mêmes) à partir du milieu évoqué ci-dessus appelé milieu minimal. Une mutation peut très bien affecter une des multiples fonctions du métabolisme de telle sorte que la souche devient incapable de synthétiser un composé essentiel et donc de croître sur le milieu minimal : la mutation est létale car, la cellule étant haploïde, un locus homologue ne peut compenser ce défaut.

Nous allons définir un outil de travail indispensable : la mutation létale conditionnelle, en effet, la mutation n'est létale que par rapport au milieu minimal utilisé, si l'on ajoute à ce milieu le composé organique que la souche ne sait plus réaliser (on parle de supplémenter le milieu), elle se développera comme une souche sauvage. Une souche auxotrophe est une souche ayant subi une telle mutation nutritionnelle. Bien que de génotype muté, elle pourra, malgré tout, se développer dans un milieu capable de complémenter l'effet de la mutation et présentera alors un phénotype sauvage.
Le protocole expérimental qui permet d'obtenir rapidement de grandes collections de mutants d'auxotrophie est résumé ci-contre.

Remarque : au cours de la mutagénèse par irradiation, celle-ci n'induit pas de mutations précises, elle augmente considérablement la fréquence des mutations mais d'une façon aléatoire et de très nombreuses mutations létales passent inaperçues. C'est l'expérimentateur qui, par le jeu des milieux, choisit la nature de l'auxotrophie et sélectionne les mutants correspondants.
 
 
La réalité de la mutation, c'est à dire la preuve d'une altération héréditaire du matériel génétique est obtenue par croisement d'une souche auxotrophe avec une souche sauvage de signe compatible. Chez Neurospora, les ascospores restent ordonnées, dans l'asque, selon l'orientation des fuseaux des deux divisions méiotiques et de la mitose surnuméraire. Il est facile de déterminer individuellement les génotypes et de montrer une répartition mendélienne de l'auxotrophie dans la descendance.

De très nombreux mutants auxotrophes, différents dans leurs exigences ont été sélectionnés et le croisement entre ces mutants indique clairement que les mutations portent sur des loci différents.
 

On a donc une correspondance entre une mutation et la disparition d'une fonction enzymatique nécessaire à l'accomplissement d'une voie métabolique.

Ces observations ont conduit à l'hypothèse célèbre dite "un gène, une enzyme" qui, sous la forme "un gène une protéine" sera pleinement confirmée par l'analyse ultérieure et indique la relation entre le génotype et le phénotype : une protéine est un caractère phénotypique.

La richesse des collections de mutants d'auxotrophie devint rapidement telle que l'on s'aperçut que des mutations entraînant le même phénotype (la même auxotrophie), pouvaient se produire dans des gènes différents et il fallut classer ces mutations.
Par exemple, Beadle et Tatum ont analysé une collection de mutants exigents en arginine (mutants arg-) et montré, par des tests de complémentation adaptés à ce matériel que les différentes mutations conduisant à ce même phénotype ne se situent pas dans le même cistron.
Test de complémentation : la rencontre de deux thalles filamenteux différents peut entraîner une fusion membranaire et l'apparition de cellules binuclées ou dicaryons. Dans de telles cellules, la présence de deux noyaux  de génotype différent dans un même cytoplasme peut permettre une complémentation (la recombinaison est évidemment impossible).
Grâce à ce test, il a été possible de réunir les différents mutants arg- en groupes de complémentation ( argA, argB, argC etc...) qui correspondent à des gènes différents.
Puisque la perte de fonction de l'un quelconque de ces gènes entraîne le même phénotype : auxotrophie arginine, il est clair que la synthèse de l'arginine nécessite plusieurs unités d'information.
Beadle et Tatum ont précisé les exigences de chacun de ces groupes en ajoutant au milieu des composés proches de l'arginine et montré que ces exigences sont différentes pour chaque groupe de complémentation..
Par exemple, les souches argH ne peuvent croître que sur un milieu contenant de l'arginine (ce qui est normal puisqu'elle a été sélectionnée en raison de cette déficience), par contre, la souche argG peut croître en présence d'arginine mais pousse tout aussi bien si le milieu contient de l'arginosuccinate.
La souche argF peut être complémentée par de l'arginine, de l'arginosuccinate mais aussi de la citrulline et la souche argE par l'un des trois composés précédents ou de l'ornithine.

Ceci cadre parfaitement avec l'hypothèse "un gène, une enzyme" la synthèse des molécules biologiques se fait par une cascade d'actions enzymatiques (voie métabolique) chaque étape est sous la dépendance d'un gène. Chaque gène est susceptible d'être modifié par une mutation conduisant à un allèle nul, ce qui entraîne la perte d'une fonction enzymatique.

 


La première expression phénotypique de chaque gène est une protéine. C'est parce qu'ils gouvernent la production d'enzymes spécifiques de façon régulée que les gènes sont responsables de l'élaboration de l'ensemble du phénotype. 

relire ? sommaire cours sommaire GENET